Sur la piste des jeux antiques

Martinetti (A.), Sur la piste des jeux antiques. – Malakoff : Armand Colin, 2024. – 96p. – ISBN : 9782200637071

Crédit image. Première de couverture – Armand Colin

Il n’est pas précisé par l’auteur(e) ni par l’éditeur si une tranche d’âge particulière est visée dans cet ouvrage. Toujours est-il que les jeunes lecteurs pourront être attirés dans un premier temps par la centaine d’illustrations, infographies et cartes avant de parcourir certains chapitres selon leurs choix personnels. Quant au public plus âgé, il trouvera dans les 95 pages une mine d’informations, parfois très détaillées, sur ces agônes panhelléniques, puisque tel était le terme grec employé pour désigner ces manifestations que nous appelons jeux en utilisant un terme latin – et je pense que le mot doit beaucoup à ces ludi circenses, à ces jeux du cirque qui ont forgé notre imaginaire et qui sont souvent mal compris aujourd’hui.

Comme le titre l’indique, l’ouvrage s’intéresse évidemment aux jeux olympiques –il ne peut en être autrement en cette année 2024, et ce compte rendu commence à être rédigé le jour même de l’ouverture officielle des JO de Paris 2024 !- mais il est précisé sur la couverture même que Delphes, Némée et l’Isthme de Corinthe ne sont pas oubliés (ces quatre agônes formaient ce que l’on appelait la « période », autrement dit le circuit, comme il existe aujourd’hui un grand chelem en tennis, et être vainqueur dans ces quatre concours apportait au « périododonique » une gloire sans pareille). Après quelques pages d’introduction et le rappel que d’autres avant Pierre de Coubertin ont songé à faire renaître les jeux olympiques – en réalité il y a eu beaucoup de tentatives dans divers pays européens – le livre se développe en cinq chapitres.

Le chapitre 1 sur « le monde grec et les jeux athlétiques » commence par un grand tableau chronologique de 6 pages qui va de -1500 aux années 400 de notre ère, et a l’intérêt de présenter aussi des événements peu connus et des faits culturels. On passe ensuite à la géographie et l’on voit que le monde grec, avec toutes ses colonies, correspondait à une grande partie du bassin méditerranéen. La geste de tous les héros de la mythologie qui ont précédé les jeux d’Olympie n’est pas oubliée, et les travaux d’Héraclès sont soulignés –au passage, je n’aime pas beaucoup que les cochers soient vêtus d’une sorte de jupette plissée (p. 23) : il suffit de regarder l’Aurige de Delphes pour voir que son costume était différent. Il est très bien que quatre pages de « Mots et Merveilles » soient consacrées à la littérature sportive (Homère, Pindare, Pausanias…) et on appréciera le tableau des vainqueurs chantés par Pindare. Enfin, deux pages rappellent que les dieux, souvent sportifs eux-mêmes, sont indissociables des jeux.

Le chapitre 2 (« Les Olympiades ») nous fait découvrir les quatre sites panhelléniques, avec les mythes intervenant dans les récits de fondation des jeux, sans que soient oubliés les Panathénées d’Athènes et différents concours qui ont été fondés à diverses époques et souvent sur le modèle d’Olympie, ce dernier site ayant connu aussi les Heraia (« les jeux Héréens ») réservés aux femmes. Les sanctuaires d’Olympie et de Delphes bénéficient de grandes cartes : mais l’orientation du stade d’Olympie, qui n’a pas reçu de talus sur ses quatre côtés, mériterait d’être revue, et il aurait été judicieux de montrer celui de Némée fouillé plus récemment et qui est remarquablement conservé. Quand il s’agit d’illustrer des compétitions féminines, on comprend bien que les auteurs se soient tournés vers la mosaïque romaine de Piazza Armerina si spectaculaire avec ses athlètes au soi-disant bikini, mais ce document date du IVe siècle de notre ère…

Le chapitre 3, intitulé « autour du stade » comprend un tableau des principaux stades grecs –qui ne devaient pas souvent être utilisés comme hippodromes étant donné leurs dimensions. Palestres et gymnases ne sont pas négligés et le cas de Pergame est mis en lumière. On appréciera au passage que le joueur d’auloi, si présent dans ces édifices sportifs, ne soit pas appelé flûtiste selon la traduction ordinaire mais de façon plus juste joueur de hautbois. Enfin plusieurs points sont abordés sur la vie dans ces sites panhelléniques au moment où s’y déroulaient des jeux (magistrats, logements, nourriture).

« En route pour la gloire ! » est le titre du chapitre 4 qui passe en revue les entraînements des athlètes, les épreuves et le programme des jeux dont il faut rappeler qu’ils duraient alors moins d’une semaine, ainsi que les récompenses décernées aux vainqueurs qui ne se contentaient pas toujours de couronnes honorifiques. On trouvera là de très bons tableaux sur les vainqueurs du « stadion », et sur les athlètes les plus célèbres comme le lutteur Milon de Crotone – en dépit de quelques erreurs  (Mélankomas était boxeur et non lutteur, sa carrière se déroulant au I^er s. de notre ère) – et les remarques sont souvent étayées sur des citations d’auteurs anciens très suggestives. Beaucoup de points soulevés mériteraient une longue discussion : ainsi, pour ne relever que les premières lignes du chapitre, dans les jeux antiques l’important était-il de participer, comme le disait Pierre de Coubertin ? Il me semble que pour ces athlètes de la Grèce antique, l’important était bien de gagner : quand on voit que devant la supériorité d’un concurrent au cours des phases d’entraînement ses adversaires pouvaient tous se retirer de la compétition, le vainqueur étant alors déclaré « akoniti » (sans toucher la poussière), on éprouve quelques doutes sur la volonté de participer à tout prix !

Enfin, en cette année 2024 et les JO de Paris, l’auteur(e) ne pouvait terminer sans un chapitre 5 sur la « renaissance des Jeux » dans un parcours qui va de 1896 à 2024. Il était juste de souligner que Coubertin n’était pas le premier à avoir eu cette idée, et il était important de rappeler que les Jeux paralympiques sont désormais la deuxième manifestation sportive au monde par le nombre des participants.

L’ouvrage comprend à la fin un index et une bibliographie qui manque un peu de rigueur et qui est surtout assez désuète : il y avait d’autres livres plus récents en français qui auraient pu être indiqués, par exemple sur Milon de Crotone celui de J.-M. Roubineau. Et les hellénistes verront dans cette liste non sans surprise le nom de « L. de Samosate » … On ne s’attardera pas sur quelques lapsus (Pintare, Agélisas) et fautes d’orthographe (occurences, fond, cythare, Lybie, héraults), mais on redira surtout en conclusion que cet ouvrage bien informé et très plaisant peut satisfaire pleinement les lecteurs de 7 à 77 ans – et même au-delà…

Jean-Paul Thuillier,

ENS Paris/PSL