Ressources numériques en sciences humaines et sociales OpenEdition Nos plateformes OpenEdition Books OpenEdition Journals Hypothèses Calenda Bibliothèques OpenEdition Freemium Suivez-nous

Ami ou ennemi ? La guerre des Gaules, 56-54 av. J.-C.

JAULIN (P.-H.), Ami ou ennemi ? La guerre des Gaules, 56-54 av. J.-C. – Paris : L’Harmattan (Romans historiques), 2024. – 248 p., 1 carte. – ISBN : 978-2-336-45642-3.


couverture de l'ouvrage

Crédit image : première de couverture – éditions L’Harmattan

Ce roman est la deuxième partie d’une trilogie, dont le premier tome, paru en 2023 chez L’Harmattan, s’intitule Des Guerriers et des Bardes, La guerre des Gaules, 58-56 av. J.C. ; nous ne l’avons pas lu. Le troisième tome, annoncé, traitera sans doute de la période 53-52 ou 51, achevant ainsi de couvrir les 7 (+ 1) livres de La Guerre des Gaules de César (+ Hirtius). Pour ce qui est de ce deuxième tome, il couvre les l. III à V du récit césarien : le soulèvement des Vénètes et de leurs alliés du grand Ouest ; la révolte des Aquitains et de leurs alliés espagnols ; les expéditions de César en Britannia ; la révolte des Eburons ; le soulèvement des Trévires. On notera que les relations entre César et le monde germanique sont pratiquement passées sous silence. Car ce qui intéresse l’auteur c’est l’affrontement entre les Romains – qu’il appelle Latins ou Méridionaux – et les peuples gaulois, qu’il appelle Galates.

Nous n’avons pas affaire ici à une version romanesque des Commentaires de César. L’auteur épouse résolument le côté adverse : ce qu’il nous donne à lire, c’est la guerre des Gaules vue par les Gaulois. Pour ce faire, l’auteur montre que non seulement il connaît les sources anciennes dissonantes par rapport à la version césarienne des faits, mais qu’il a lu M. Rambaud et les travaux qui ont suivi la même veine depuis. En outre, sa connaissance du monde celtique est étonnante de largeur et de précision : elle va de la couleur des tartans à l’organisation politico-sociale des différents peuples gaulois, de « La Vie quotidienne chez les Gaulois » aux acquis les plus récents de l’histoire de la Gaule au Ier siècle av. J.-C., apportés par les historiens et les archéologues.

L’ouvrage est divisé en quatre chapitres. À chacun d’eux, la parole est donnée à un héros celtique différent, qui répond longuement à l’envoyé de César venu le sonder : Vercingétorix, personnage muet, mais présent et déclencheur de ces récits où chacun des héros gaulois rapporte, en même temps que ses hauts-faits, ses relations avec César et les Romains. Celles-ci sont si ambigües que le titre du volume Ami ou ennemi ? se justifie pleinement. Là où César jauge les chefs gaulois au filtre réducteur de la fides romaine, l’auteur excelle à montrer ces zones grises où l’allié gaulois d’aujourd’hui – allié jusqu’à quel point ? – peut devenir l’ennemi de demain, en fonction des intérêts changeants, la loyauté de chaque chef gaulois étant due d’abord à son peuple, à ses vassaux, à son suzerain.

Le premier chapitre, intitulé « Branche de Viridorix – 56 av. J.-C. », donne la parole au roi des Vénètes, qui mena en 56 le soulèvement du grand Ouest ; à l’issue malheureuse de son épopée, il est contraint de se soumettre à César. Dans le deuxième, la parole est tenue par Teutomatos, vergobret des Nitiobroges, animateur de la révolte aquitaine, contraint lui aussi de se soumettre à César. Le troisième met en scène Commios l’Atrébate, fait roi par César et son allié dans les expéditions en Grande-Bretagne (que l’auteur appelle Albia), personnage complexe qui a toujours deux fers au feu et rêve, lui aussi, d’une Gaule sans César. Enfin, le chapitre IV donne la parole à Ambiorix, roi des Éburons, ex-allié de César meneur de la révolte des peuples gaulois du Nord en 54. L’auteur place dans sa bouche l’annonce du futur soulèvement qui verra les Gaulois unis autour de Vercingétorix.

Les morceaux de bravoure ne manquent pas dans ce livre. Les récits de bataille, bien sûr : la flotte vénète encalminée envoyée par le fond ; les chars de combat britons ; les déboires de la flotte de César avec les éléments et la marée, etc. Il n’est partout question que de carnyx et d’enseignes gauloises au sanglier, de coups d’épée, de haches, de boucliers, d’engins de siège… Toutes les formes de guerre sont présentes, y compris la dissymétrique, la guérilla.  Quand les combats s’arrêtent, on assiste aux longues palabres entre chefs, et aux banquets où cervoise et hydromel coulent à flots. C’est un univers d’hommes, presque exclusivement. Si l’on excepte les femmes-poissons Gallicènes et les femmes augures Samnites, seules passent rapidement la jeune et belle épouse de Teutomatos, qui n’hésite pas à faire entendre sa voix dans ce concert d’hommes, et la fiancée britannique de Commios, de haut lignage elle aussi.

Le tout est écrit dans une langue qui fleure bon l’archaïsme délibéré, pour mieux enraciner les discours dans ces temps lointains, mais au point, parfois, de déconcerter le lecteur. L’auteur est sensible à une question que l’on pose rarement : tous ces Gaulois, de Belgique, d’Aquitaine, de Celtique, sans parler des Gaulois romanisés de Narbonnaise et des Celtes d’Outre-Manche, parlaient-ils vraiment la même langue ? L’auteur choisit la vraisemblance : des parlers parfois sensiblement différents, mais non au point d’être incompréhensibles d’un interlocuteur à l’autre.

L’ensemble dessine une fresque haute en couleurs, intelligemment dessinée pour tendre vers un même but, qui fera sans doute l’objet du troisième volume de la saga : l’union des Gaulois autour de Vercingétorix pour reconduire César hors de la Gaule chevelue.

L’auteur de cette recension a pris grand plaisir à lire ce livre, et il en recommande la lecture. Mais il ne se dissimule pas que le lectorat d’un pareil ouvrage sera forcément limité aux fans de César et de la Gaule.

Paul M Martin

Université de Montpellier-III


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Paul-Marius Martin (7 octobre 2024). Ami ou ennemi ? La guerre des Gaules, 56-54 av. J.-C. Actualités des études anciennes. Consulté le 22 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12fdy


Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.