Calendrier de l’Avent – Un péplum par jour pour attendre Noël

L’équipe des Actualités des études anciennes tenait à écrire quelques mots à ses lecteurs et lectrices, afin de les préparer à la série de publication du mois de décembre. En somme, une brève introduction à l’excellente introduction de Pauline Ducret, notre spécialiste, que vous allez découvrir ci-dessous. Comme chaque année, notre carnet propose un calendrier de l’Avent sur un thème choisi par nos soins. En 2024, c’est 24 péplums passés au crible par 24 historien.ne.s – frappé.es par la fièvre du cinéma – qui vous sont proposés. Un billet par jour jusqu’à Noël, c’est autant de chocolats à savourer ou, dans ce cas peut-être, de madeleines de Proust à redécouvrir. La diversité des œuvres cinématographiques retenues et la liberté des tons et des formes servent notre dessein : l’accessibilité des connaissances et la diffusion de la recherche.

De très bonnes fêtes de fin d’année à toutes et tous.

Reainfo

Quatre longs métrages et deux nouvelles séries : pour les amateurs de péplums, 2024 est une année faste. Ils ont pu, sur petit ou grand écran, voir Paul Mescal fouler les arènes romaines dans les pas de Russell Crowe (Gladiator II de Ridley Scott), Dimitri Leonidas se prendre pour Ben-Hur sous les yeux d’Anthony Hopkins (série Those about to die de Robert Rodat), John Malkovich frôler l’absurde dans son interprétation des derniers instants d’un philosophe stoïcien (Seneca de Robert Schwentke) et Adam Driver incarner un mixte entre César et Catilina dans une Rome futuriste (Megalopolis de Francis Ford Coppola). Celles et ceux qui préféreraient la mythologie grecque peuvent, au choix, la voir transposée dans le monde contemporain (série Kaos de Charlie Covell) ou attendre, avec Juliette Binoche, que Ralph Fiennes rentre enfin de la guerre de Troie (The Return d’Uberto Pasolini[1]). Si l’on ajoute à cela le nouvel opus d’Alien, Romulus, dont les premières affiches s’inspirent de l’art romain (voir illustration), nous avons, en un an, un bel échantillon de la diversité de ce qu’est, aujourd’hui, le péplum.

© Alien, Romulus – 20th Century Studios

De fait, le péplum est un genre hybride, à la définition lâche. Le mot est utilisé dans les années 1960 par les cinéastes de la nouvelle vague pour se moquer de films à costumes ayant pour cadre l’Antiquité, peplos étant le nom grec d’un manteau. Paradoxalement, le mot apparaît donc quand le genre, après une prolifique décennie de super productions, s’essouffle. Il s’applique même, a posteriori, à l’ensemble de la production depuis les tout premiers films mettant en scène un décor et des costumes « à l’antique », dans les dernières années du XIX^e siècle. Le terme anglais « sword-and-sandal », mot à mot « épée et sandale », met lui aussi en avant les costumes et, par élargissement, les décors. C’est donc avant tout un contexte, une atmosphère qui définissent le genre. L’ancrage historique peut être ténu et la vraisemblance n’a que peu d’importance dans cette définition.

Aujourd’hui, on l’élargit plus volontiers à toute fiction, sur petit ou grand écran, qui fait référence à l’Antiquité, qu’il s’agisse du cadre unique du film ou d’une partie de celui-ci, que la référence soit explicite ou détournée par l’anachronisme. En ce sens, le dernier Indiana Jones (Indiana Jones et le Cadran de la destinée de James Mangold, 2023) est un péplum dans la mesure où une scène – excusez le spoil – se déroule dans la Sicile gréco-romaine. De même Megalopolis est-il un (magnifique) péplum… futuriste ? Cette porosité entre genres cinématographiques n’est pas nouvelle : Maciste, alias Goliath ou Hercule, a bien dû, dans les années 1960, combattre des vampires et même des aliens (Maciste contro il Vampiro[2] et Maciste e la regina di Samar[3], 1961, Giacomo Gentilomo, avec Sergio Corbucci pour le premier), tandis que Conan est un barbare aux accents tout autant antiques que médiévaux, depuis son premier passage sur grand écran en 1982 (John Milius) jusque dans ses avatars des dix dernières années (Conan le Barbare, Marcus Nispel, 2011 ; Conann, Bertrand Mandico, 2023). À l’âge de la fantasy et des super-héros, cette interpénétration de différents genres cinématographiques, et le flou définitionnel qu’elle induit, semblent aujourd’hui cependant de plus en plus importants, et ce n’est sans doute pas un hasard si le Festival du film péplum d’Arles[4], qui en était à sa 37^e édition en 2024, a créé en 2018 une catégorie « hors frontières » où La Planète des Singes (Franklin Schaffner, 1968) côtoie La Momie (Stephen Sommers, 1999) et John Carter (Andrew Stanton, 2012).

Pour patienter d’ici les fêtes de fin d’année, nous vous proposons de (re)découvrir l’histoire du genre, depuis l’invention du cinémascope jusqu’à nos jours. Un film par jour : ce ne sera sans doute pas suffisant pour explorer toute la richesse du péplum, mais assez pour en prendre conscience en suivant une sélection opérée par des chercheuses et des chercheurs qui aiment autant l’Antiquité que ses représentations contemporaines. Vous pourrez vous initier au muet avec le chef-d’œuvre de Giovanni Pastrone, Cabiria, sorti en 1914 et découvrir le second âge d’or du péplum dans les années 1930 grâce à une des multiples réécritures des Derniers Jours de Pompéi (Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, 1935). Vous pourrez voir ou revoir les grands classiques des années 1950-60, que ce soit l’impressionnante production italienne, de Spartacus (Riccardo Freda, 1953) et Ulysse (Mario Camerini, 1954) aux Légions de Cléopâtre (Vittorio Cattafavi, 1959), ou ses concurrents hollywoodiens, de Quo Vadis (Mervyn LeRoy, 1951) à La Chute de l’Empire Romain (Antony Mann, 1964), en passant par Hélène de Troie (Robert Wise, 1956), le plus connu des Ben-Hur (William Wyler, 1959) et l’inoubliable Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963). En restant dans cette même décennie, qui a décidément marqué les chercheur.se.s d’aujourd’hui, vous vous plongerez dans le péplum-spaghetti à la Hercule contre les Vampires (Mario Brava et Francesco Prosperi, 1961), dans les comédies romantiques La Chérie de Jupiter (George Sidney, 1955) et Le Forum en folie (Richard Lester, 1966), enfin dans les parodiques Week-ends de Néron (Steno, 1956). Sans doute vous étonnerez-vous de l’originalité du Satyricon de Fellini (1969), chef-d’œuvre isolé dans la décennie 1970 où il ne côtoie guère que des pastiches comme La Vie de Brian (Terry Jones, 1979). Vous pourrez enfin mesurer la richesse de la production récente, de Gladiator (Ridley Scott, 2000) à Gladiator II (Ridley Scott, 2024), avec le retour de films à gros budgets, comme 300 (Zack Snyder, 2006), le renouveau des thématiques en fonction des enjeux sociétaux actuels – en l’occurrence la place des femmes et la lutte contre l’obscurantisme dans Agora (Alejandro Amenabar, 2009) – et l’essor inédit des séries, d’abord Xena (1995-2001) puis l’incontournable Rome (2005-2007) avant les réécritures dans le monde des super-héros (Legends of Tomorrow, 2016-2022) ou de l’Amérique contemporaine (Kaos, 2024).

En avant-goût de ce mois péplumesque, je vous propose de prendre moins d’une minute pour visionner le tout premier film à sujet antique, réalisé en 1896 – soit les toutes premières années du cinéma – par Georges Hatot : Néron essayant ses poisons sur un esclave[5] ; allez ensuite jeter un œil au tableau Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à mort[6] d’Alexandre Cabanel (1887) puis lisez les pages dédiées à Néron dans le Quo Vadis ? d’Henryk Sienkiewicz, publié sous forme de feuilleton en 1895 puis de roman en 1896. Vous aurez ainsi un aperçu du contexte artistique dans lequel est né le péplum. À dimanche !

Pauline Ducret

École française de Rome

© Alexandre Cabanel, Public domain, via Wikimedia Commons.

[1] La sortie aux États-Unis est annoncée pour le 6 décembre et n’est pas encore connue pour la France.

[2] Renommé en anglais Goliath and the Vampires.

[3] Renommé en anglais Hercules Against the Moon Men.

[4] https://festival-peplum.fr/

[5] Disponible sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=syYckB-XXGo

[6] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alexandre_Cabanel_-_Cl%C3%A9opatre_essayant_des_poisons_sur_des_condamn%C3%A9s_%C3%A0_mort.jpg