05 – Hercule contres les vampires (1961)

Hercule contre les vampires, réalisé par Mario Bava (1961) – 81 minutes // titre original italien : Ercole al centro della terra ; titre original allemand : Vampire gegen Herakles // dans le rôle-titre : Reg Park ; Roi Lico : Christopher Lee.

© SPA Cinematografica-Omnia Deutsche Film export

Il est bientôt l’heure d’accueillir le vieux barbu, vêtu de rouge ou de vert selon les traditions. Pourtant, le film que je vous propose de voir, ou de revoir, vous fera plutôt revenir au 31 octobre. Il est bien question d’un péplum des années 1960. Certes pas aussi magistral que Cabiria de Giovanni Pastrone ou Spartacus de Stanley Kubrick ou pas aussi marquant que Cléopâtre ou Jules César, du grand Joseph L. Mankiewicz. À première vue, un nanar sans intérêt, mais, après re-visionnage, une proposition de cinéma incroyable pour le cinéma italien. Point de bonbons ou de chocolats, mais des personnages hauts en couleur, des décors incroyables, et des effets très spéciaux ! Installez-vous avec les restes d’Halloween sur votre canapé, vous regarderez un film de Noël plus tard. Direction le centre de la terre ou plutôt le royaume des vampires !

Le pitch ? En Œchalie, cité grecque mal connue des archéologues, mais pas des mythologues pour être la cité d’Eurytos, tout va mal. Licos, un « affreux jojo », tue le roi. Il envoûte et enferme la princesse Déjanire dans un souterrain tout aussi affreux, pour lui soutirer du sang par les jugulaires. Qui de mieux qu’Hercule pour sauver la cité, la fille et la mythologie, aidé de son sidekick (acolyte) Thésée, préféré à Iolaos, pour des raisons cata-basiques[1] ?

Dit comme ça, ça ne donne pas très envie… Cette histoire a déjà été vue et revue. Mais l’aviez-vous vu filmée par Mario Bava ? C’est là un argument de poids : il faut voir ce film pour la proposition du cinéaste italien, ce grand chef opérateur et raconteur d’histoires a priori banales, mais pourtant ô combien fascinantes. Il est une référence importante notamment pour Tim Burton ou Quentin Tarantino, mais surtout pour Arnold Schwarzenegger.

Hercule contre les vampires donc. Il s’agit du nom que lui ont donné les distributeurs en France ou en Allemagne, Vampire gegen Herakles, l’autre pays producteur du film avec l’Italie, où il est nommé Ercole al centro della terra. Pourquoi ce changement de titre ?
D’abord, parce Bava fait appel à Dracula himself, – non, pas Béla Lugosi ! – Christopher Lee. Ensuite, parce qu’il est le maestro du film d’horreur de son temps, dont l’une de ces créations, La Baie sanglante, deviendra dix ans plus tard un style adoré du plus grand nombre : le slasher[2]. Mais n’allez pas croire que le bonhomme soit novice de la matière antique. Il a travaillé sur de nombreux péplums, à la réalisation ou aux effets spéciaux, aux côtés de grands noms comme Pietro Francisci, Giovanni Pastrone, Riccardo Freda ou encore Sergio Leone entre 1937 et 1968.

Dernier des trois films mettant en scène Hercule, commandé par le producteur italien Achille Piazzi, il se démarque des longs métrages précédents grâce à sa scène pré-générique, installant dès les premières secondes l’univers et l’ambiance de film à venir : pleine lune, monolithes dressés et table en pierre sacrificatoire, atmosphère brumeuse, fantômes/vampires accrochés au plafond d’une grotte, et Licos récitant prophétie et sombre futur… (fig. 1) La séquence se termine sur des sarcophages se refermant sous des doigts grêles et décharnés. Un péplum, vraiment ? Oui tout de même, ici le genre horrifique est présent, mais loin de l’archétype du vampire déjà en place au cinéma.

Figure 1. Scène introductive du film. Photo par Mathieu Scapin : image issue du film.

Plus tard, la séquence proto-gore que l’on pourrait attendre du film apparaît au moment où Licos punit un de ses sbires, à l’aide d’un piège qu’il active devant son coffre à trésor (fig. 2). Certes, la scène n’est pas très ensanglantée, bien qu’un filet coule de la bouche du malheureux, mais l’artifice fait son office : l’homme est transpercé par des lances en fer, face caméra, dans un plan plutôt travaillé.

Figure 2. Le piège de Licos. Photo par Mathieu Scapin : image issue du film.

Le film est étonnant et ambivalent : au froid et sérieux de Christopher « Licos » Lee répond la bonhomie drolatique de Reg « Hercule » Park ; le bleu s’oppose au gris, le chaud au froid… Comme à son habitude, Hercule lance des rochers, détruisant au passage un « Carnac » souterrain, il réalise des travaux (ici les pommes d’Or et la descente aux Enfers), et il est accompagné de seconds couteaux bien loin de leur avatar mythologique : Thésée et Télémaque !

En bref, tout dans le film renvoie à l’horreur et au vampirisme jusqu’au combat final entre le héros et son antagoniste sous une éclipse du plus bel effet. La scène finale répond d’ailleurs avec gourmandise à celle du début : les héros sont sur la plage, décorée de colonnes boursouflées et de sculptures blanches et rouges remplaçant les pierres dressées, et où la mer dégagée montre un infini que le prologue étouffe par un brouillard enfermant le regard. (fig. 3)

Figure 3. Scène finale du film. Photo par Mathieu Scapin : image issue du film.

Que vous dire de plus sinon que de voir ce film, qui passera pour kitsch chez certains spectateurs ? On ne s’ennuie jamais durant ces 1h25 et l’on découvre même l’univers d’un grand cinéaste italien. Et si, au début, vous vous surprenez à sourire par moquerie, rappelez-vous que le film date de 1961 et qu’en France, près d’un million de nos concitoyens lui ont donné sa chance pour un budget pas si herculéen que ça… Pourquoi pas vous ?

Bonnes Saturnales !

Mathieu Scapin

Musée Saint-Raymond

[1] Comprendre ici une catabase simplette.

[2] Il s’agit d’un sous-genre du cinéma horrifique. Les slashers mettent en scène des tueurs qui éliminent leur cible à coup de lame (to slash en anglais : entailler). Les psychopathes les plus connus de ces productions sont Freddy Krueger, Leatherface ou le fameux Gosthface de la saga Scream.