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12 – Gladiator (2000)

Gladiator, réalisé par Ridley Scott (2000) – 155 minutes // dans le rôle principal : Russel Crowe.


© Ridley Scott – Mill Film, C & L, Dawliz, Scott Free Productions, Dreamworks Pictures, Universal Pictures.

Presque 25 ans après la sortie de Gladiator, retour sur le film qui a défié tout un genre.

Il y avait autrefois un rêve qui s’appelait Rome…

En l’an 2000, le film de Ridley Scott sort sur nos écrans après un long vide cinématographique pour le péplum. Gladiator doit malgré tout beaucoup à ces prédécesseurs. Le réalisateur n’a jamais caché avoir puisé ses inspirations dans Ben-Hur, Spartacus et surtout La Chute de l’Empire romain[1]. Ce film d’Anthony Mann présente en effet nombre de similitudes avec Gladiator, en particulier dans son intrigue : même époque, mêmes antagonistes, mêmes enjeux. Mais c’est surtout dans la nouvelle de Daniel P. Mannix, Ceux qui vont mourir, que le scénariste, David Franzoni, puise les grandes lignes du premier scénario avant même l’arrivée de R. Scott sur le projet. Reprenant le personnage de Narcisse, le lutteur prétendument assassin de Commode, ce n’est qu’au fil des versions que l’histoire s’affinera pour arriver, très peu de temps avant le début du tournage, à celle que l’on connaît.

Cinéma, littérature : le film puise ses racines dans un large héritage de références, d’histoires et de représentations visuelles. Il invoque même la peinture avec le tableau Pollice Verso du peintre Jean-Léon Gérôme, tableau qui aurait convaincu Ridley Scott de faire le film. C’est bien l’envie de la démesure du Colisée qui pousse le réalisateur à accepter la proposition des studios. Pour réaliser ce film, celui-ci voit en grand, en très grand : milliers de figurants, milliers d’armures, d’armes. Le tournage s’étale sur plusieurs mois dans des décors grandioses, répartis dans plusieurs pays. Scott veut quelque chose de jamais vu pour raconter son histoire.

Mais quelle histoire ?

À mon signal, déchaîne les enfers !

À la fin du second siècle après J.-C., dans une Rome décadente, on suit les mésaventures de Maximus Decimus Meridius « père d’un fils assassiné, époux d’une femme assassinée et qui aura sa vengeance dans cette vie ou dans la suivante ». Général devenu esclave, esclave devenu gladiateur et gladiateur qui défia un empire, Maximus, interprété par le taciturne Russell Crowe représente parfaitement la figure du héros quasi mythologique en quête d’une juste vengeance. Face à lui se dresse le patricide mais néanmoins « miséricordieux » Commode, avide de reconnaissance et de respect et de pouvoir. Il est incarné avec brio par Joaquin Phoenix.

La structure du film repose sur l’opposition entre les deux hommes : renaissance du héros et chute du tyran. On comprend assez vite que la volonté du réalisateur tient dans la représentation de cette opposition des deux « fils » de Marc Aurèle, telles les deux faces d’un denier. Cette thématique loin d’être originale est malgré tout sublimée ici, par le duo des acteurs mais aussi par l’aspect formel du film. La débauche de moyens employés aboutit à une œuvre à la photographie léchée, aux effets spéciaux impressionnants et dont l’ensemble est porté par une musique signée par un Hans Zimmer très inspiré. Scott nous livre le parfait blockbuster où alternent des scènes épiques de combat dans l’arène aux cascades millimétrées et des monologues intenses avec nombre de répliques devenues cultes dans l’histoire du cinéma.  

Ombres et poussière…

Si la forme est remarquable, la reconstitution de l’Antiquité est plus approximative. Il serait inutile d’essayer de lister les erreurs qui jalonnent le film tant elles sont légion. Non, Gladiator n’est pas une bonne représentation de l’histoire de Rome. Le conseiller qui a quitté le tournage ou celui qui a refusé que son nom apparaisse au générique ne diront pas le contraire. C’est là d’ailleurs le paradoxe de Ridley Scott : sa carrière est jalonnée de films historiques (1492, Kingdom of Heaven, Napoléon, Le Dernier duel etc.) avec, à chaque fois, le même désintérêt manifeste pour la véracité scientifique.

Clairement, pour le réalisateur, les films de ce genre ne sont pas faits pour rapporter une quelconque vérité sur la période concernée. Il semble plutôt que le passé soit un prétexte pour raconter des histoires qui abordent des enjeux contemporains. On peut imaginer que le message derrière est l’universalité et l’intemporalité des préoccupations des hommes comme la vie, la mort, la liberté, le pouvoir, l’amour, le destin, la politique ou encore la violence. Les critiques reconnaitront d’ailleurs la profondeur émotionnelle et la complexité des personnages, rendant le film non seulement divertissant mais aussi profondément humain.

On peut se demander si l’objectif d’une œuvre artistique réside dans une quelconque fidélité historique ou bien dans la transmission d’un message sur ces thématiques qui transcenderait les époques pour parler à tous. Se pose tout de même la question du danger, sous couvert de licence artistique, d’imposer une vision de l’Histoire et une réinterprétation des faits (et des représentations graphiques) à un public de masse. N’y a-t-il pas un risque à cette réécriture ou du moins à cette perpétuation d’images d’Épinal offertes au plus grand nombre ? Les réalisateurs de ces films ont-ils un devoir ou une responsabilité face à leur public ?

Ce que nous faisons dans la vie résonne dans l’éternité !

C’est une réflexion qui n’est pas anodine lorsque l’on sait que le film fut un immense succès mondial, rapportant plus de 450 millions de dollars. Gladiator marquera toute une génération. À sa sortie, il remporte cinq Oscars, dont celui du meilleur film et sera nommé dans 7 autres catégories. Au-delà du succès critique et populaire immédiat, le film aura un impact majeur dans la production cinématographique, notamment américaine (Troie, 300, Le Choc des Titans, Rome…). Il relancera l’intérêt du public pour le péplum, un genre délaissé depuis de nombreuses années, en offrant une nouvelle vision à grand spectacle de ce type de film.

Les années qui suivront verront ainsi de nombreuses tentatives d’égaler les aventures de Maximus sans toutefois rencontrer le même succès ou du moins la même pérennité, à quelques très rares exceptions peut-être. Au-delà du cinéma, c’est un intérêt global pour l’Antiquité que suscitera le film à sa sortie : explosion des ventes de livres sur la Rome Antique, augmentation des étudiants dans les filiaires antiques, afflux massif de touristes sur les sites archéologiques (le Colisée en tête), créant comme le titre le New York Times un « Gladiator Effect », dès 2002.

Ne vous êtes-vous pas assez divertis ?

C’est donc en toute logique que, très vite, une suite de Gladiator est envisagée. Pendant des années, Scott et Crowe chercheront le moyen de ressusciter Maximus, par exemple avec le script signé Nick Cave nommé Christ Killer, qui voyait le héros revenir sur terre mandaté par les dieux pour combattre Jésus Christ et Héphaïstos avant de devenir immortel et traverser ainsi les grandes époques de l’Humanité…

Un préquel et un spin-off sur Lucius furent également envisagés, même si le réalisateur préférait faire revenir le gladiateur lui-même. Cela sera malgré tout l’option retenue en 2018, lorsque que le projet fut finalement lancé pour aboutir à une sortie en fin d’année 2024. Reste à savoir si cette suite saura se montrer à la hauteur[2]. Ridley Scott de son côté a déjà annoncé son souhait de réaliser un 3e opus …

Et nous nous reverrons… Mais pas encore, pas encore !

Pierre Dejarnac

Éditions Fedora


[1] Sur La Chute de l’Empire romain, voir le billet n°8, par Claude Aziza.

[2] Pour répondre à cette question, voir dans ce calendrier de l’Avent le billet n°13, par Coline Ruiz Darasse.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Pierre Dejarnac (12 décembre 2024). 12 – Gladiator (2000). Actualités des études anciennes. Consulté le 8 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12wot


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