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Pérégrinations dans la Gaule romaine et dans les provinces des Alpes et de Corse

J.-C. GOLVIN et G. COULON, Pérégrinations dans la Gaule romaine et dans les provinces des Alpes et de Corse – Arles : Actes Sud/Errance et Picard, 2024 – 224 pages – ISBN : 978-2-330-19455-0.


Première de couverture © Actes Sud/Errance et Picard

Cet ouvrage de 220 pages permet de découvrir soixante-quatorze sites romains répartis dans les provinces de la Gaule romaine : la fameuse Narbonnaise, bien sûr, mais aussi la Lyonnaise, l’Aquitaine, la Belgique, la Germanie inférieure et la Germanie supérieure, la Corse et les Alpes. La première chose qui frappe quand on ouvre ce volume est la grande richesse iconographique : il n’y a pas une page sans aquarelle, ce qui donne tout de suite envie de les tourner pour découvrir le contenu avant de s’attacher à la lecture de détail. Le sentiment est le même que quand on découvre un repas de Noël : le regard se délecte de la multitude de plats déposés sur la table avant même que le dîner n’ait commencé. Les doubles-pages entièrement occupées par des aquarelles sont nombreuses et s’offrent comme autant de pains surprises dans lesquels le lecteur cherche le théâtre, l’amphithéâtre, le forum ou le temple principal de la ville. Les textes méritent les mêmes éloges que les images : ils sont toujours percutants, intéressants et ils vont à l’essentiel sans jamais noyer le lecteur dans les détails. C’est un exercice particulièrement difficile de s’assurer que le lecteur ait assez d’informations comme la superficie du site, son cadre géographique passé et actuel, son organisation urbanistique, les mesures des principaux monuments pour ne prendre que quelques exemples, tout en distillant des anecdotes qui composent la grande Histoire (« Un trésor de 1328 deniers ! » p. 130 ; « un guide borné » p. 207 ou « Les bulles de la veuve Clicquot et la porte de Mars » p. 172). Le résultat est simple : le lecteur avance sans se lasser. Le livre peut aussi, par sa forme, se lire au hasard de l’ouverture des pages, pour une découverte plus succincte et c’est bien là le succès de cette forme. Elle s’adapte à toutes les envies de lecture.

Les sites incontournables de la Gaule romaine sont bien sûrs traités ici avec la place qu’il leur revient (Arles, Nîmes, Orange, Pont du Gard…) et, grâce au travail des deux auteurs, les ruines qui sont parfois si difficiles à lire deviennent désormais tout à fait intelligibles. Ce sont toutefois les sites les moins connus qui offrent les plus belles surprises, car ils montrent aux passionnés de la Gaule romaine qu’il leur reste encore beaucoup à découvrir. Les pages consacrées à Sallèles d’Aude, Jouars-Pontchartrain, Pithiviers-le-Vieil, Richebourg, Saint-Boil ou Saint-Merd-les-Oussines pour ne citer qu’elles sortent ainsi des sentiers battus. Ce livre conviendra donc tout aussi bien dans sa forme et par son fond au néophyte qu’au spécialiste. La mission que les auteurs se sont fixée dans la préface, à savoir « une invitation au voyage », est sans conteste une vraie réussite.

Nous voudrions aussi souligner l’importance du travail réalisé en annexe et particulièrement la partie « Des sites à visiter ». On retrouve les sites classés par ordre alphabétique, avec à chaque fois la distance du site par rapport à une grande ville de France (ex. « Allonnes », 7 km du Mans), un commentaire synthétique et surtout des indications pratiques (« Pour spécialistes », « Pour amateurs », « incontournables ») qui aideront chaque lecteur à réaliser son programme de voyage en fonction de ses appétences. Le glossaire et la bibliographie permettent enfin des approfondissements scientifiques pour le lecteur qui souhaiterait poursuivre plus loin ses investigations. Le seul petit bémol est la taille de la carte présente p. 210. Cette carte aurait pu être imprimée sur une double-page, ou peut-être à part sous forme de poster. Le lecteur aurait en effet aimé s’y référer systématiquement pour localiser les sites et retrouver la délimitation des Provinces. Nous avons toutefois bien conscience des difficultés matérielles induites et il faut parfois faire ce type de choix pour maîtriser les coûts d’édition.

Cet ouvrage trouvera naturellement sa place dans la bibliothèque des passionnés de l’Antiquité. Les textes sont clairs et efficaces et les restitutions qui les scandent rendent la lecture très riche et agréable. Le lecteur arrive au bout des deux cents pages sans même sans rendre compte. Nous aimerions souligner une expérience de lecture rare : ce livre nous a beaucoup appris, il nous a donné envie de retourner sur les sites pour pouvoir les lire sous un autre jour et, surtout, il nous a donné du plaisir, à la façon d’un roman qui raconte une belle histoire. Cette réussite tient aux qualités scientifiques et pédagogiques des auteurs, mais aussi à deux choix éditoriaux particulièrement efficaces. Les encarts présentant les vues aériennes des sites sont tout d’abord excellents. Les numéros localisant les principaux monuments publics permettent d’avoir tout de suite une appréhension globale de la ville et les indications « monuments visibles », « monuments non visibles » sont une invitation à chercher les restes archéologiques dans les rues modernes. L’autre grande réussite est l’insertion de citations d’auteurs qui ont parcouru les sites romains : nous découvrons par exemple la perception de l’amphithéâtre de Fréjus par Victor Hugo et la poétique des ruines apporte sa touche de sensibilité, à la façon des promenades dans Rome de Goethe ou de Stendhal : « Entre les blocs réticulaires croissent pêle-mêle des figuiers sauvages et des térébinthes, rattachées par des guirlandes de roses. […] J’étais sur la place même où se tordaient, il y a deux mille ans, les lions, les gladiateurs et les tigres. Il y pousse maintenant une herbe haute que broutaient (sic) paisiblement autour de moi une troupe de chevaux maigres, errant dans le cirque la clochette au cou ». En un mot, ce livre s’adresse à tous et il ravira le plus grand nombre.

Sophie Madeleine

CIREVE, Université de Caen Normandie


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sophie Madeleine (13 janvier 2025). Pérégrinations dans la Gaule romaine et dans les provinces des Alpes et de Corse. Actualités des études anciennes. Consulté le 12 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/132fg


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