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Les Fake news de l’Antiquité. Mensonges et tromperies dans l’histoire antique

GAUDEFROY (O.), Les Fake news de l’Antiquité. Mensonges et tromperies dans l’histoire antique, Paris : Opportun éditions, 2025 – 251 pages – ISBN : 978-2-487178-11-3


Première de couverture © Opportun éditions

« À Springfield, (les Haïtiens) mangent des chiens et des chats ! »… Eh bien, en Égypte, le pharaon « Khéops faisait [déjà] faire le tapin à sa fille » (p. 158) ! Dans la lutte qu’il décide de mener contre la désinformation, Olivier Gaudefroy choisit, avec son dernier ouvrage, de répondre du tac au tac aux populistes actuels afin de montrer qu’ils n’ont vraiment rien inventé. La légende urbaine xénophobe lancée par Donald Trump le 10 septembre 2024 aurait bon nombre de prédécesseurs. Les Fake news de l’Antiquité propose de les rappeler en une sorte de best of des meilleures duperies antiques : « Les pages qui suivent sont un florilège de quelques-uns des plus importants mensonges et tromperies inventés par les hommes (peu de femmes en vérité dans le lot) au cours de l’histoire antique. Déstabilisation de l’ennemi, préjugés xénophobes, diffamation de l’adversaire, propagande d’État, rumeurs infondées créées pour nuire à autrui : tous ces maux étaient déjà bien présents dès l’Antiquité. Ils sont de nos jours encore bien vivaces et pas près de disparaître » (p. 14 de l’avant-propos).

Bref, Nihil novi sub sole[1] comme le rappelle, en latin, Olivier Gaudefroy au début de son livre ! Il ne croit pas si bien dire puisqu’en plus de la continuité thématique qu’il assure trouver entre les tablettes mésopotamiennes et les frasques des bullshiters contemporains, il livre un texte qui semble directement issu de la Seconde Sophistique. Dans la surprenante lignée de l’Histoire variée d’Élien, son œuvre propose ainsi de chevaucher, à sauts et à gambades, à travers toute l’Antiquité, pour récolter toute une série de faits plus ou moins anecdotiques en lien plus ou moins direct avec son sujet. D’une extrême variété, son histoire ne présente ni introduction ni conclusion et ne s’embarrasse, dans ses deux parties très lâches, d’aucune transition ni considération intermédiaire. Comme Élien, l’auteur cherche sans doute à échapper à l’ennui qu’engendre la monotonie d’un ouvrage d’histoire classique tout en prétendant rétablir la vérité sur des idées reçues.

Auteur de nombreux romans policiers historiques (notamment Poison au gymnase en 2006 et Les Cendres d’Arsinoé en 2010) comme d’un essai biographique sur Hypatie (Hypatie, l’étoile d’Alexandrie en 2012), Olivier Gaudefroy puise dans une bibliographie aussi courte qu’hétéroclite quelques analyses à même de surprendre le grand public. À l’aide d’un « index des victimes diffuseurs et protagonistes de FAKE NEWS ANTIQUES » qui associe ensemble (et en dépit de son titre) Jésus, Bolsonaro, Platon, Élisabeth Ire, Néron et Churchill, le lecteur pourra apprendre que les villes de Sodome et Gomorrhe ont été détruites par une météorite (p. 132), que les pharaons avaient des cheveux blonds ou roux (p. 120) ou bien encore que la très sexy Poppée, femme de Néron, a répandu l’usage des bains au lait d’ânesse et non Cléopâtre comme on le pense parfois (p. 13). Entre ces quelques saillies rafraîchissantes, il pourra plus sérieusement comprendre que les Hyksôs n’étaient pas en Égypte d’origine étrangère (p. 122-126), que la Bible est moins une chronique qu’un outil de propagande nationaliste (p. 134), que l’empereur Constantin a utilisé le christianisme à des fins politiques (p. 153) ou que Ramsès a enjolivé sa contre-performance militaire à Qadesh (p. 212-215). Que le lecteur se rassure cependant, ces passages plus graves sont livrés avec le même ton badin, un brin provocateur, qui anime tout l’ouvrage (« L’attentat “bidon” contre Denys l’Ancien » (p. 49), « Alexandre le Grand et sa parenté : une incroyable famille de mythomanes » (p. 53), « Néron l’antéchrist » (p. 102), « Une ville de sodomites » (p. 129)…). Si le style alerte ne suffit pas, des comparaisons historiques sauront ranimer, par leur audace, l’intérêt du public : les Romains n’ont-ils pas proposé aux Puniques les mêmes indemnités de guerre que les Français aux Allemands en 1919 (p. 71) ? Les manœuvres du tyran Denys l’Ancien ne sont-elles pas similaires à celles des nazis depuis leur utilisation du mythe du « coup de poignard dans le dos » jusqu’à la « Nuit des longs couteaux » (p. 49-50) ?

Œuvre d’un passionné d’histoire ancienne, Les Fake News de l’Antiquité n’a cependant que l’allure, et non la profondeur réflexive, d’un recueil de la Seconde Sophistique. À tout sacrifier ainsi sur l’autel de la légèreté, on risque de perdre les Antiquisants dans les méandres d’une pensée qui n’obéit qu’à son bon plaisir. Rien n’est véritablement entrepris pour borner un sujet qui, sans tenir compte de l’essence même d’une Fake News (une information délibérément fausse pour attirer l’attention), part à hue et à dia. La première partie propose d’étudier ainsi tout en même temps les « légendes, rumeurs, mensonges, trahisons, complots dans la mythologie et l’histoire antique ». La seconde partie (portant le même titre que l’ouvrage, Les Fake News) prétend déconstruire des « idées reçues… véhiculées par des contemporains ou des historiens ». On passe ainsi des dieux aux hommes politiques, des Sumériens à Julien l’Apostat, sans oublier de faire un crochet par la Bible et un détour par les grandes heures de la légende noire des premiers empereurs romains (Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron). Rien n’est davantage envisagé pour tirer de ce pot-pourri quelques considérations sur les origines, les moteurs ou les logiques de développement des fausses informations. Il faudra se contenter d’analyses parfois évidentes (« La Pax Romana ne signifie pas que Rome était en paix avec les peuples à ses frontières » (p. 142), souvent simples (« [César] sut jouer de ses conquêtes militaires pour mettre l’accent sur ses exploits guerriers. Tout cela dans l’unique but de servir sa soif de pouvoir » (p. 84)) et de temps à autre contestables (« l’Expédition de Sicile a comme objectif de conquérir la Sicile » (p. 45) ; « dès l’Antiquité, une victoire remportée par la ruse est assez mal reçue » (p. 39)). La qualité des chapitres semble à géométrie variable en fonction des ouvrages consultés. Solide, quand elle se rapporte à des historiens contemporains (V. Azoulay, Y. Le Bohec, P. Maraval, J.-M. Roubineau), elle reste bien fragile quand elle n’est soutenue que par d’anciennes lectures aux origines inconnues : ainsi, l’Iliade n’est pas plus composée au XIIe siècle avant J.-C. par le poète aveugle Homère que la civilisation mycénienne ne s’est effondrée au même moment sous les coups d’une invasion dorienne ou des Peuples de la Mer (p. 126-129).

À parcourir ainsi l’Antiquité entière dans toutes ses directions spatiales comme temporelles pour ne satisfaire que sa passion personnelle, Olivier Gaudefroy pourrait malheureusement se retrouver dans l’inconfortable position de l’arroseur arrosé… En offrant à la lutte contre la désinformation un ouvrage qui lui-même oublie parfois de s’informer.

Francis Larran

Chercheur associé ANHIMA


[1] Qui pourrait être traduit par : « Rien de nouveau sous le soleil », ndlr.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Francis Larran (7 avril 2025). Les Fake news de l’Antiquité. Mensonges et tromperies dans l’histoire antique. Actualités des études anciennes. Consulté le 25 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13oxy


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