Alésia. 27 septembre 52 avant J.-C.
BRUNAUX (J.-L.), Alésia. 27 septembre 52 avant J.-C., Paris : Gallimard/Folio, 2024² – Folio histoire (n°339) – 462 p. – ISBN : 978-2-07-297970-5.
En 2024, les éditions Gallimard ont eu la bonne idée de réimprimer l’ouvrage de Jean-Louis Brunaux Alésia. 27 septembre 52 avant J.-C. (Coll. « Folio Histoire » 339 ; 462 p.) publié en 2012 dans la prestigieuse collection « Les journées qui ont fait la France ». Comme il s’agit d’une réimpression à l’identique, on pourrait penser que le titre et le contenu de l’ouvrage ne justifient pas la rédaction d’un nouveau compte-rendu de lecture, invitant les lecteurs curieux à consulter à ce qui avait été publié au moment de la parution du livre. Pourtant, douze ans après sa sortie, ce travail aurait mérité d’être revu, corrigé et augmenté ; entretemps, nos connaissances scientifiques ont beaucoup progressé et l’image que nous avions, en 2012, du siège d’Alésia, s’est quelque peu enrichie.
Le plan de l’ouvrage aurait pu être rééquilibré et deux parties hors sujet supprimées du livre (deuxième et troisième parties). Dans un ouvrage d’histoire militaire comme celui-ci, « L’événement » qui est celui du siège n’occupe que 162 pages sur un total de 449, ce qui est peu. On peut à la rigueur y ajouter « La Légende » (31 p.) mais ce qui subsiste et qui est consacré à « La Gaule indépendante » (82 p.) et à la « Conquête » (101 p.), est hors sujet et n’apporte pas grand-chose à la connaissance des faits ; ces deux parties auraient pu être ramassées dans une première partie introductive synthétique. En outre, l’auteur pratique la disjonction des faits, ce qui déroute un lecteur non averti : ainsi, pourquoi placer « Vercingétorix, chef de guerre » à la fin du chapitre X consacré à « L’Événement » (p. 314 et suiv.), alors qu’il aurait été hautement préférable de l’insérer à la fin du chapitre III « Du conseil de toute la Gaule à l’armée nationale » ou au début du chapitre IV « La bataille d’Alésia » ? De même, le chapitre XI « Les leçons d’Alésia » (p. 326 et suiv.), aurait été mieux mis en valeur au terme du chapitre V « Anatomie d’une défaite ».
Douze ans après la sortie du livre, la bibliographie de l’édition réimprimée n’a pas non plus été mise à jour. Pourtant, les sources antiques ont été revisitées par des philologues de talent avec des commentaires novateurs, à commencer par deux nouvelles éditions critiques des Commentaires de César (De Giorgio et al. 2020 ; Garcea 2020) auxquelles on peut en ajouter une troisième antérieure d’une décennie (Martin 2000) qui aurait méritée de figurer dans la bibliographie de l’ouvrage initial[i]. En outre, les sources ainsi que les études sur les littératures celtiques sont méconnues de l’auteur. Pourtant, elles sont très importantes pour la compréhension de certains faits, ou événements rapportés par les auteurs grecs et latins qui ne les explicitent pas (le cas de Dumnorix est à cet égard particulièrement éclairant). Enfin, la connaissance de l’organisation et du fonctionnement des armées gauloises est capitale et ce n’est pas le point fort de cette réimpression[ii].
De nouvelles découvertes ont été réalisées et publiées, notamment pour ce qui concerne les événements militaires de l’année 52 en général, ceux de la dernière semaine des combats (22-27 septembre 52) qui ont fait l’objet d’une étude détaillée et, pour terminer, les causes obscures de la défaite en particulier. En fait, celles-ci seraient dues aux méfaits des superstitions gauloises, que les auteurs modernes ont toujours une fâcheuse tendance au pire à ignorer et, au mieux, à sous-estimer, toutes choses qui relativisent considérablement la victoire de César[iii].
Quelques améliorations auraient aussi pu être apportées. Ainsi, l’auteur propose souvent des hypothèses pour lesquelles il ne cite aucune source ; on sort alors de l’Histoire pour passer dans une autre catégorie d’ouvrage dont les présupposés cadrent mieux avec le roman historique. On sent bien que l’auteur a relevé quelques indices, mais il ne les mentionne pas. Pour ne citer qu’un exemple, la prétendue trahison des Éduens ne repose sur aucun fondement digne de foi. Si la théorie (c’est celle du duc d’Aumale que l’auteur ne cite pas à l’appui de sa démonstration) est rationnelle et intellectuellement séduisante, elle n’est validée par aucune source. Historiquement, on est même en droit d’en douter et de penser l’inverse car, si pour rejoindre la province de Transalpine, César qui battait en retraite avait choisi d’emprunter un itinéraire passant par le territoire des Lingons, évitant celui des Éduens pourtant plus direct, c’est bien parce qu’il n’avait plus aucune confiance dans ce peuple, qui avait rejoint l’insurrection en pleine bataille de Gergovie et qui s’était très impliqué dans la concentration de l’armée de secours d’Alésia.
En conclusion, cet ouvrage est d’une lecture agréable. Bien écrit, au style alerte, au vocabulaire choisi, il intéressera celles et ceux qui s’intéressent à notre lointain passé et il les accompagnera dans leur découverte de la Gaule indépendante et d’un chapitre décisif de son histoire.
Alain Deyber
Administrateur civil hors classe (hon.)
Docteur d’État en Histoire et Civilisation de l’Antiquité
[i] De Giorgio 2020 : De Giorgio, J.-P., (dir.), César, Guerres, Guerre des Gaules & Guerre civile, texte établi par L.-A. Constans (Guerre des Gaules, 1926) et par P. Fabre (Guerre Civile, 1936), Paris : Les Belles Lettres (Coll. « editio minor »), 2020.
Garcea 2020 : Garcea, A., Tout César, discours, traités, correspondance et commentaires, édition bilingue établie et présentée par Alessandro Garcea, Paris : Robert Laffont (Coll. Bouquins), 2020.
Martin 2000 : Martin, P. M., La Guerre des Gaules, la Guerre Civile, César, Paris : Ellipses (Coll. « Les textes fondateurs »), 2000.
[ii] Deyber 2024 : Deyber, A., Les Armées gauloises et celtiques en Europe. VIe s. avant J.-C. – Ier s. de notre ère, préface de Dominique Garcia, postface de Vincent Guichard, Paris : Ellipses (Coll. “Biographies & Mythes”), 2024.
[iii] Deyber 2023b : Deyber, A., Vercingétorix. Un aristocrate gaulois, préface de Dominique Garcia, postface de Vincent Guichard, Paris : Ellipses (Coll. « Biographies & Mythes historiques »), 2023b.
Deyber et Romeuf 2019 : Deyber, A., Romeuf, D., 22-27 septembre 52 avant J.-C. Les derniers jours du siège d’Alésia, préface de Yann Le Bohec, Chamalières : Lemme Edit (Hors Coll.), 2019.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Alain Deyber (5 mai 2025). Alésia. 27 septembre 52 avant J.-C. Actualités des études anciennes. Consulté le 11 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13v04