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Hommes et femmes dans l’Antiquité grecque et romaine

BOEHRINGER (S.) & SEBILLOTTE CUCHET (V.) (dir.), Hommes et femmes dans l’Antiquité́ grecque et romaine. Le Genre : méthode et documents, Paris : Armand Colin, 2024² – Collection Cursus 192 p. – ISBN : 9782200639532.


Première de couverture © Armand Colin

L’ouvrage, réalisé sous la direction de Sandra Boehringer et Violaine Sebillotte Cuchet, est le fruit d’un travail de recherche collectif sur le genre dans l’Antiquité et rassemble les contributions de vingt-six collaborateurs issus de l’équipe d’accueil « Phéacie », le centre ANHIMA et l’atelier EFIGIES. Il se propose de recourir à une pluralité d’outils épistémologiques, notamment celui du genre, pour proposer une histoire plurielle des traces et échos des voix d’hommes et de femmes.

La première partie, intitulée « Le genre, dans et pour l’histoire », offre une synthèse sur l’apport de l’outil du genre en histoire ancienne qui a permis de dynamiser les études du monde antique, en particulier celles centrées sur la sexualité. Les autrices interrogent le processus social et culturel qui attribue dans l’Antiquité des fonctions et des rôles aux hommes et aux femmes, rôles « normés » présentés comme conformes à la « nature » de chaque sexe. Cet outil récent du genre renouvelle les études sur l’histoire des femmes, mais aussi la question des sexualités et permet aux historiens d’interroger le monde antique à travers de nouvelles grilles d’analyse et de poser un regard neuf sur les documents littéraires à leur disposition. Il faut que les historiens assument le risque de l’anachronisme, comme le préconisait déjà dans un article de 1993 Nicole Loraux, et acceptent de soumettre le matériau antique à des questions que les Anciens ne se sont pas posées ou n’ont pas formulées comme nous. C’est aussi un moyen d’accrocher l’attention du lecteur, comme le montre le titre provocateur choisi pour Parsondès, « drag queen à Babylone » (p. 64).

Les chercheurs qui ont marqué la genèse et les étapes de cette méthode d’analyse au cours de la seconde moitié du XXe siècle sont rappelés de manière claire et concise. La première partie s’achève sur quatre exemples qui illustrent cette méthode : les reines des époques hellénistique et impériale, Cléoboulê, la mère de Démosthène, la reine Artémise d’Halicarnasse et les Amazones.

La méthode est ensuite appliquée dans une seconde partie (« Une méthode d’analyse utile : documents et commentaires ») à une cinquantaine de documents dont chaque contributeur offre un commentaire synthétique sous forme de fiches, assorti d’une courte bibliographie qui invite à approfondir la thématique. Les documents sont présentés par ordre alphabétique de leur auteur antique, ce qui permet, selon le vœu des auteurs, une lecture « neutre » qui refuse d’envisager une quelconque perspective évolutionniste. Cela permet aussi une lecture fragmentée, au gré de l’intérêt de chaque lecteur qui circule, de fiche en fiche, guidé par un titre qui met en valeur le thème du document et construit ainsi son propre parcours de lecture. La plupart des extraits sont issus d’œuvres littéraires, philosophiques ou médicales très diverses ; on notera la présence d’une stèle funéraire, de quelques documents iconographiques, comme une loutrophore du peintre de Kléophradès, une hydrie attique, une coupe fabriquée par le peintre de Briséis, une mosaïque de Zeugma, des monnaies représentant l’impératrice Julia Domna (morte en 217 après J.-C.) et deux décrets. L’ensemble embrasse une vaste amplitude chronologique qui va de la Grèce archaïque à l’Antiquité tardive. Les textes littéraires sont traduits, puis contextualisés et commentés selon la perspective du genre.

La troisième partie, assez courte, propose plusieurs parcours de lecture à l’intérieur de l’ensemble des fiches. Elles sont regroupées selon diverses approches : une approche chronologique, géographique, une approche selon les types de documents, selon les genres discursifs, selon des thématiques liées au gender studies (rapports de pouvoir, corps et vêtement, amour et relations sexuelles, mariage, famille, héritage, divinités, nature et procréation, statuts sociaux, classes d’âge, conventions et transgressions). Ces éclairages offrent un regard assez complet sur la manière dont les Grecs et les Romains envisageaient les rapports de genre et la différence des sexes. Une bibliographie générale et deux cartes géographiques complètent l’ensemble.

Cet ouvrage s’inscrit dans la lignée de recherches initiées par différents chercheurs, tels Judith Butler aux États-Unis, Michel Foucault en France et, à l’instar d’un manuel, propose une vision d’ensemble synthétique, accessible à tout type de public. L’intérêt pédagogique est indéniable, la liberté de circuler dans les fiches laissée au lecteur est très appréciable, même si celui-ci est parfois orienté dans son interprétation de manière un peu trop partisane. Les enseignants et étudiants y trouveront en tout cas un outil précieux pour renouveler leur questionnement sur des documents emblématiques de l’Antiquité gréco-romaine.

Géraldine Puccini

Université Bordeaux Montaigne
Plurielles UR 24 142


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Géraldine Puccini (28 avril 2025). Hommes et femmes dans l’Antiquité grecque et romaine. Actualités des études anciennes. Consulté le 11 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13ts2


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