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Reliefs – Saisons romaines (hors-série)

Reliefs [revue], Saisons Romaines (hors-série), Paris : Reliefs Éditions, 2024 – 184 pages – ISBN : 978-2-38036-179-7


La revue Reliefs, qui explore à travers des contributions pluridisciplinaires la relation des êtres vivants avec la Terre, aborde chaque année un thème lié à la nature, l’aventure et l’écologie, tout en enrichissant son contenu de nombreux éléments visuels et pédagogiques. Le numéro hors-série intitulé Saisons romaines propose une réflexion sur la saisonnalité dans l’Antiquité. Ce dossier est en lien avec l’exposition éponyme du Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, inaugurée le 21 juin 2024 et active jusqu’en 2027, qui présente comme pièce majeure la célèbre mosaïque des Saisons, avant son retour au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.

La documentation graphique de la revue, abondante, débute par un schéma explicatif très clair sur le fonctionnement astronomique des saisons, suivi par trois cartes géographiques, la Table de Peutinger, la carte de la Gaule sous les Romains de Charles Lacoste et l’Orbis Habitabilis de Pomponius Mela, toutes accompagnées de précisions sur leur contexte de création et leur auteur. Le numéro est également ponctué de plusieurs textes antiques liés au monde agricole, tirés des Épîtres d’Horace sur la vie rurale, de l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien sur les jardins romains, De l’agriculture de Columelle sur les vendanges, De l’agriculture de Caton sur les sacrifices, un extrait du poème des Géorgiques de Virgile sur la vie des cultivateurs, et le poème « La greffe » issu du Traité d’agriculture de Palladius. Un portrait de ces auteurs et le lien de leurs écrits avec le monde rural figurent en début d’ouvrage dans la rubrique « Héros hier », aux côtés de la divinité étrusque Pomone, nymphe associée à la culture des jardins et des arbres fruitiers. Une analyse plus approfondie de la vie et de l’œuvre de Columelle nous est faite par M. Bretin-Chabrol[1] et s’accompagne de précisions sur Celse, Magon et Sénèque, auteurs contemporains ou cités par Columelle, ainsi que d’une frise chronologique et d’un focus sur trois plantes privilégiées par l’auteur, le blé dur robus, le lupin et l’aminée « petite sœur ».

Un premier entretien est accordé par l’archéologue G. Huitorel[2], spécialiste des équipements de production en Gaule romaine. Il éclaire le lecteur sur l’intérêt de la mosaïque des Saisons, qui illustre diverses structures de production, les céréales cultivées dans l’Antiquité, ainsi qu’une vingtaine d’outils agricoles. Certains éléments de l’outillage, réalisés en matériaux périssables et souvent manquants lors des fouilles archéologiques, sont précisément identifiés grâce aux multiples détails offerts par la mosaïque. G. Huitorel livre de nombreuses informations sur les aspects techniques de plusieurs outils liés à la culture des céréales et aux activités agro-pastorales, ainsi que sur l’évolution de cet outillage (serpe, araire, échardonnoir, tribulum, sonnailles). Il aborde également le fonctionnement des structures de production (moulins et fours à pain, séchoirs, fumoirs, cuves de trempage), ainsi que les céréales cultivées (blés, plantes potagères, légumineuses) et la production de la bière et du vin dans l’Antiquité. La mosaïque des Saisons présente toutefois des lacunes, en particulier dans les scènes du printemps et de l’été. Leur interprétation, croisée avec les connaissances sur les activités saisonnières et d’autres représentations antiques ou médiévales, permet de mettre en évidence certaines activités agro-pastorales et artisanales : au printemps, les travaux liés aux animaux et aux végétaux (notamment la vigne) sont mis en avant, tandis qu’en été, ce sont la récolte et la transformation des produits végétaux qui dominent. Des schémas illustrant les outils et structures présents dans la mosaïque, accompagnés de textes explicatifs, prolongent l’article et offrent une présentation détaillée de ces équipements.

Revue Reliefs, pp. 6-7. Atlas, fonctionnement des saisons. Provenance : https://reliefseditions.com/saisons-romaines/

Le dossier spécifique s’ouvre avec un article de M. Poux[3] sur la notion de « culture » à travers une exploration des pratiques agricoles et des modes de vie dans la Gaule romaine, centrée sur la colonie de Vienne et ses alentours, principalement Saint-Romain-en-Gal et Sainte-Colombe. Située dans la moyenne vallée du Rhône, zone charnière entre Méditerranée et Europe continentale, Vienne, conquise au IIe s. a.C., devient progressivement une colonie romaine. Son intégration à l’Empire inaugure une longue période de stabilité et de prospérité, favorable à un essor urbain et rural. L’article met en lumière la transformation profonde des campagnes gallo-romaines. À Vienne comme ailleurs, la colonisation passe par l’expropriation des terres, redistribuées à des vétérans romains qui introduisent des techniques de construction et des pratiques agricoles innovantes. En plus des cultures traditionnelles, la vigne, ainsi que le noyer, le châtaignier ou le blé nu enrichissent les productions locales. Grâce au Rhône, axe commercial majeur, Vienne développe des infrastructures impressionnantes, comme de vastes entrepôts à grains, facilitant les échanges vers les divers ports de Méditerranée. Les fouilles de Sainte-Colombe révèlent un quartier commerçant dynamique et raffiné, témoignant du haut niveau de vie de certains habitants. Cette prospérité s’exprime aussi dans l’art domestique, notamment la mosaïque des Saisons, découverte à Saint-Romain-en-Gal, qui illustre la richesse symbolique du calendrier agricole romain. Son contexte archéologique reste en partie inconnu, faute de fouilles extensives du site d’origine. Si l’on a un temps supposé qu’elle ornait un édifice public, il est désormais plus probable qu’elle appartenait à une vaste demeure privée, peut-être voisine de l’ensemble monumental appelé Palais du miroir.

Dans l’article « Mosaïque des Saisons, l’ordre et le temps », l’historienne de l’art V. Vassal[4] propose une analyse approfondie de l’œuvre, en analysant ses dimensions iconographiques, symboliques, narratives et spirituelles. La mosaïque s’organise autour de quatre figures centrales personnifiant les saisons, représentées sous les traits de putti et d’une figure féminine, dans une tradition empruntée à l’héritage gréco-romain plus précisément aux mythes de Perséphone et des Heures. Chaque personnage est doté d’attributs caractéristiques (épis, fleurs, fruits, animaux symboliques) permettant de l’identifier. L’auteure insiste sur la richesse narrative de la mosaïque, qui ne se limite pas à juxtaposer des scènes agricoles mais construit un véritable récit cyclique du temps, dans un espace structuré et hiérarchisé. Les gestes du travail, les vêtements, les outils, les édifices ou les cadrans solaires y sont autant de signes du passage du temps et de l’organisation de la vie quotidienne. Le réalisme de certains détails, comme les ombres ou les changements de décor, renforce cette dynamique temporelle. Au-delà de la simple illustration des travaux saisonniers, la mosaïque transmet un message idéologique fort. Elle célèbre l’ordre domestique, cosmique et spirituel, à travers une mise en scène harmonieuse des relations entre l’homme, la nature et les dieux. L’agriculture n’est pas seulement un labeur, mais une pratique encadrée par le divin, comme en témoignent les scènes de sacrifices ou les références aux divinités gallo-romaines telles que Jupiter-Taranis.

Revue Reliefs, pp. 38-39. Détail de la mosaïque des Saisons (L’Automne). Provenance : https://reliefseditions.com/saisons-romaines/

Dans son analyse « Un pavement qui nous parle encore », É. Morvillez[5] met en lumière la manière dont la mosaïque illustre principalement des activités agricoles, organisées autour du rythme des saisons. Elle ne représente pas la villa elle-même, mais se concentre sur les travaux de la terre (vendanges, récoltes, soins à la vigne, fabrication du vin) donnant à voir un monde rural vivant et ordonné. Si des différences sociales peuvent parfois être suggérées par les vêtements ou les postures, le statut des personnages reste généralement indéterminé. Les bâtiments, relégués à l’arrière-plan, ne constituent qu’un simple décor destiné à situer l’action. La mosaïque ne vise donc pas à illustrer un traité d’agriculture, mais elle reflète l’intérêt romain pour la bonne gestion des domaines et l’idéal d’une vie rurale fondée sur un labeur régulier, en harmonie avec les saisons et les dieux. L’auteur souligne aussi la proximité de cette œuvre avec les calendriers antiques, tout en précisant qu’elle ne relève pas du calendrier figuré au sens strict. Anciennement désignée comme le « Calendrier rustique de Saint-Romain-en-Gal », elle évoque le cycle annuel de manière globale, dans la tradition des ménologes rustiques ou du calendrier dit « de Filocalus », mais sans organisation mensuelle explicite ni inscription. Il s’agit plutôt d’un dispositif symbolique et poétique, destiné à exalter la prospérité rurale dans le cadre d’une riche demeure. Le lien avec les cycles zodiacaux, fréquents dans les programmes décoratifs romains, reste ici discret. Seuls le taureau (printemps) et le lion (été) sont clairement identifiables. La mosaïque privilégie ainsi une représentation concrète et narrative des travaux saisonniers, plutôt qu’un alignement astrologique rigoureux. Enfin, É. Morvillez met en lumière la dimension religieuse de l’œuvre, implicite mais fondamentale. Plusieurs scènes renvoient à des pratiques rituelles liées à la terre : offrandes, sacrifices, cultes aux ancêtres, et les références à des divinités comme Cérès, Bacchus ou Jupiter-Taranis rappellent que les activités agricoles ne sont jamais séparées de l’ordre sacré.

Dans leur contribution, L. Bouby[6] et V. Matterne[7] mettent en évidence le rôle central des arbres fruitiers et de la vigne dans l’agriculture gallo-romaine, grâce à l’archéobotanique qui permet de reconstituer la diversité des espèces cultivées malgré la rareté des vestiges directs (graines, bois, pollens). Ces cultures pérennes, souvent associées à des plantes annuelles comme les céréales et les légumes, participaient à la structuration des paysages, aussi bien urbains que ruraux. Leur omniprésence traduit une organisation agricole avancée, qui mêlait utilité économique, esthétique paysagère et valeurs symboliques. Des espèces importées, comme le pêcher ou le pommier domestique venu d’Asie centrale, côtoyaient des espèces indigènes parfois simplement entretenues ou domestiquées. Leur culture nécessitait des savoir-faire spécialisés tels que la greffe, le bouturage ou la taille, parfaitement maîtrisés à l’époque romaine. Ces pratiques, attestées par les textes anciens comme ceux de Caton ou Columelle, garantissaient la qualité et la diversité des variétés cultivées. L’arboriculture exigeait un investissement sur le long terme, souvent accessible aux classes sociales élevées, et se développait en lien avec l’urbanisation et les circuits commerciaux. La vigne, particulièrement valorisée, était cultivée selon diverses techniques régionales (sur arbre, en treille, en vignes basses) et produisait autant des raisins de table, du vin domestique, que des vins destinés à l’export. Les découvertes archéologiques témoignent de l’ampleur de cette activité, par de nombreuses traces de vignobles, d’installations vinicoles et d’amphores de transport, en particulier dans le sud de la Gaule. Ce développement viticole atteste d’une activité commerciale intense, soutenue par une organisation agricole structurée. Mais au-delà de leur usage agricole, les arbres et la vigne revêtaient également une forte dimension religieuse. On les retrouve dans les sanctuaires ou associés à des rituels funéraires, où des fruits comme les dattes, les figues ou les cônes de pin pignon accompagnaient les cultes et les offrandes. L’analyse des graines, bois et pollens, ainsi que les fosses de plantation mises au jour, permet aujourd’hui de mieux comprendre l’intégration de ces espèces dans la vie quotidienne, les pratiques cultuelles, et l’imaginaire spirituel de la Gaule romaine.

Revue Reliefs, pp. 182-183. Illustration de Jérémy Perrodeau. Provenance : https://reliefseditions.com/saisons-romaines/

Le dossier se poursuit avec un article de N. Monteix[8] et C. Caillaud[9], consacré aux apports de l’archéologie expérimentale dans la compréhension des savoir-faire antiques, notamment en Gaule. Cette démarche ne se limite pas à l’étude théorique des vestiges, mais consiste à reproduire les gestes anciens dans des conditions proches de celles de l’Antiquité, en suivant des protocoles rigoureux, afin de tester les hypothèses sur la fabrication, l’usage ou la fonction des objets retrouvés lors de fouilles. À Saint-Romain-en-Gal, cette approche est développée au Domaine des Allobroges, espace dédié à la reconstitution de fours, outils et installations antiques, dans le but d’expérimenter des techniques artisanales. Les domaines explorés sont nombreux, comme la vinification, la fabrication de céramiques, la production de poix, le soufflage du verre et la cuisson du pain. Pour la viticulture, les chercheurs ont reproduit des procédés comme le defrutum, un moût concentré utilisé pour enrichir et conserver le vin, et étudié l’influence des contenants en terre cuite sur les arômes et l’oxydation du vin. La poix, goudron végétal utilisé pour l’étanchéité des jarres, a également été produite selon les méthodes antiques, révélant la complexité du processus, comme le choix des matériaux, les températures et les durées de cuisson. La céramique est expérimentée à travers la reconstitution de deux types de fours, à tubulures et à flammes nues, permettant d’observer l’effet des atmosphères de cuisson sur la couleur et la qualité des céramiques, et un four de verrier a été construit pour tester les techniques de soufflage et les conditions thermiques nécessaires. Enfin, la cuisson du pain, basée sur des fours pompéiens, a permis de reconstituer toutes les étapes du processus. Ces expérimentations ont permis de redécouvrir des gestes oubliés, de mieux comprendre les contraintes matérielles des artisans romains, et de confronter les hypothèses aux réalités des savoir-faire antiques.

Un entretien avec N. Lacoque et T. Pirillo, restauratrices au Musée de Saint-Romain-en-Gal, s’ouvre sur la présentation de leur parcours personnel et professionnel, entre formation universitaire en France et en Italie, stages, expériences de terrain et spécialisation dans la restauration des mosaïques antiques. Elles décrivent avec précision les étapes techniques et scientifiques de la quatrième restauration de la mosaïque des Saisons : dépose de l’œuvre, nettoyage minutieux, étude des matériaux anciens, remplacement des supports et réintégration des tesselles. Leur témoignage met en lumière un métier exigeant, situé à la croisée de l’artisanat, de l’histoire de l’art et de la conservation du patrimoine. L’entretien souligne aussi les évolutions récentes de la profession, aujourd’hui régie par une déontologie rigoureuse, et insiste sur le rôle essentiel, bien que souvent méconnu, des restaurateurs dans la valorisation du patrimoine muséal.

Dans le dossier « À Tongres, un calendrier au temps des moissons », S. Groetembril[10] nous présente la découverte remarquable, à Tongres (Belgique), d’un décor peint datant de la fin du IIIe ou du début du IVe s. p.C. Provenant d’une habitation urbaine, il s’agit d’un calendrier rustique illustrant les mois de l’année par des scènes agricoles dont celle du mois d’août, représentant la moisson, est particulièrement bien conservée. Cette iconographie rare témoigne de la valorisation des activités rurales par les élites gallo-romaines, pour lesquelles la terre constituait une source majeure de richesse.

Le dossier « Les tribulations de la mosaïque des Saisons », proposé par L. Brissaud[11], S. Féret[12] et É. Alonso[13], retrace avec précision l’histoire mouvementée de cette œuvre, découverte en 1890 à Saint-Romain-en-Gal par un jardinier local. Très rapidement, la mosaïque attire l’intérêt des érudits et des institutions et est acquise par l’État en 1892, puis transférée au musée du Louvre avant de rejoindre le musée d’Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye. Le texte suit le parcours complexe de la mosaïque à travers les diverses phases de restaurations, les expositions et les recherches archéologiques qui l’ont accompagnée. À partir des années 1960, de nouvelles fouilles permettent de mieux comprendre son contexte d’origine : une luxueuse demeure dans un quartier résidentiel de Saint-Romain-en-Gal. Restaurée depuis peu, la mosaïque a été temporairement réinstallée sur son site d’origine, offrant ainsi une nouvelle lecture thématique et muséographique au public.

Au cœur de l’ouvrage, un panorama très complet est consacré à la mosaïque des Saisons. Un premier schéma donne une vue d’ensemble de l’œuvre, avec un code couleur clair permettant d’associer immédiatement chaque activité représentée à la saison correspondante. Les deux doubles-pages suivantes analysent en détail les activités figurées dans chacun des cadres de la mosaïque, apportant des précisions sur leur signification. Ce focus est suivi d’un plan de la ville antique de Vienne au IIe s. p.C., localisant les principaux monuments, complété par un second plan centré sur le site archéologique de Saint-Romain-en-Gal. Vient ensuite un portfolio débutant par une photographie générale de la mosaïque, puis une série de clichés mettant en valeur chacune des scènes. Ces quelques trente pages offrent une immersion visuelle très riche au cœur de l’œuvre, véritable pivot du numéro et de l’exposition Saisons romaines. L’ensemble est accompagné d’un texte de synthèse, qui reprend les principales informations issues des différents articles et entretiens précédemment présentés.

Dans un entretien, D. Tilloi-d’Ambrosi[14], spécialiste de l’alimentation romaine, retrace l’évolution des pratiques culinaires depuis la République jusqu’à la fin de l’Empire. Il met en lumière l’influence décisive des conquêtes orientales sur les goûts et les pratiques alimentaires des élites romaines. À l’origine sobre et principalement végétale, leur alimentation s’enrichit peu à peu de produits exotiques, de poissons, de fruits de mer et de recettes complexes, influencées par des contacts culturels multiples. Ces transformations culinaires ne sont pas seulement liées à des échanges commerciaux, mais aussi à des enjeux moraux. Si des auteurs comme Caton ou Tacite dénoncent le luxe ostentatoire de ces mets raffinés, celui-ci devient néanmoins un marqueur social fort, symbolisé par l’importation de denrées rares. Dans les provinces, notamment en Gaule, l’archéologie témoigne d’une diffusion progressive de ces pratiques alimentaires. Les élites locales adoptent certains codes romains, tant dans les ustensiles que dans l’architecture domestique, comme l’installation du triclinium, et donc dans la pratique du banquet. Les populations modestes, quant à elles, conservent des habitudes alimentaires traditionnelles, tout en intégrant certains produits venus de Rome, comme le vin ou l’huile. L’alimentation quotidienne repose encore en grande partie sur les céréales, les légumineuses, les légumes et, dans une certaine mesure, les produits carnés. Les Romains développent également une véritable culture du vin. En plus des techniques de stockage et de conservation, D. Tilloi-d’Ambrosi explique que le vin est souvent coupé d’eau, aromatisé, et consommé sous diverses formes, du mulsum miellé au defrutum réduit. L’ouvrage d’Apicius constitue une source précieuse pour comprendre les recettes romaines, souvent complexes, mêlant saveurs sucrées et salées, et une grande variété d’épices et d’ingrédients. Le raffinement culinaire se distingue par la maîtrise des cuissons, l’élaboration des sauces et le soin apporté à la présentation des plats. Les repas reflètent par ailleurs une organisation sociale codifiée. Les plus modestes mangent assis, souvent dans des tavernes, tandis que les élites pratiquent le banquet, allongées sur des lits disposés autour de tables basses, selon des normes précises que D. Tilloi-d’Ambrosi nous décrit avec minutie. Ces repas sont par ailleurs des moments de représentation sociale, de convivialité et parfois de spiritualité, marqués par des rituels, des superstitions et une symbolique forte. Loin des clichés d’une Rome décadente, la cuisine romaine s’inscrit dans une recherche d’équilibre et de mesure, avec une attention portée à l’hygiène de vie. La médecine et la diététique antique insistent sur une alimentation adaptée à l’âge, au sexe, aux activités, et intègrent aussi des éléments essentiels comme les bains, le repos et la digestion. Jusqu’à la fin de l’Empire, certaines pratiques perdurent, tandis que d’autres évoluent avec les mutations économiques, sociales et religieuses.

Une double-page nous présente ensuite un panorama des différentes roches et pâtes de verre utilisées pour les tesselles de la mosaïque des Saisons, mettant en valeur la richesse de leur palette chromatique. On peut regretter que l’origine de ces matériaux ne soit pas encore caractérisée, ce travail étant en cours de progression. Toutefois, les observations microscopiques réalisées ont déjà permis de différencier les tesselles antiques des modernes grâce à des détails techniques invisibles à l’œil nu. Ce contenu aurait sans doute trouvé une place plus cohérente à la suite de l’entretien de N. Lacoque et T. Pirillo, restauratrices de la mosaïque.

I. Brissaud[15] nous présente ensuite une série de dix photographies prises à la fin du XIXes. par un photographe amateur, dans un jardin du quartier de la Chantrerie. Ces portraits constituent un témoignage rare et précieux des habitants de la plaine de Saint-Romain-en-Gal à cette époque.

Ce numéro hors-série de la revue Reliefs s’impose comme un ouvrage de belle qualité, richement illustré et documenté. On pourrait regretter que la description de la mosaïque arrive sur le tard, alors même qu’elle est largement évoquée dans les pages précédentes. Cependant, son analyse reste soignée, à la fois précise et abondamment illustrée. L’ensemble du dossier brille par la clarté de ses contributions, offrant un éclairage original et stimulant sur les liens entre agriculture, alimentation, culture matérielle et art dans le monde romain. Par la diversité de ses approches (archéologique, historique, iconographique, botanique ou encore expérimentale) ce numéro donne vie à un pan du quotidien antique souvent négligé. Il permet non seulement de mieux comprendre la société gallo-romaine, mais aussi de mesurer la richesse symbolique, technique et esthétique de la mosaïque des Saisons. Cette lecture, à la fois érudite et accessible, constitue ainsi une véritable incitation à découvrir l’exposition « Saisons romaines », et à aller admirer de visu cette œuvre exceptionnelle, dans son contexte muséographique renouvelé.

Laura Barataud

Université Bordeaux Montaigne


[1] Maîtresse de conférence en langue et littérature latines, Université Jean Moulin-Lyon 3.

[2] Archéologue, Service Départemental d’Archéologie de Seine-et-Marne.

[3] Professeur d’archéologie, Université Lumière Lyon II.

[4] Maîtresse de conférence en Histoire de l’art et archéologie de l’Antiquité, Institut catholique de Paris.

[5] Maître de conférence en Histoire ancienne, archéologie et histoire de l’art, Université d’Avignon.

[6] Carpologue, Ingénieur de recherche, CNRS.

[7] Archéobotaniste, Directrice de recherche, CNRS.

[8] Maître de conférence en Histoire et archéologie romaines, Université de Rouen-Normandie.

[9] Assistant de conservation, Médiateur culturel chargé de projets, Musée de Saint-Romain-en-Gal.

[10] Archéologue/toïchographologue, directrice du Centre d’Étude des Peintures Murales Romaines à Soissons.

[11] Archéologue, Responsable scientifique aux musée et site de Saint-Romain-en-Gal.

[12] Directrice adjointe pour la recherche et la valorisation scientifique, INRAP.

[13] Directrice du Musée et Site de Saint-Romain-en-Gal.

[14] Agrégé et docteur en histoire romaine, enseignant dans le secondaire.

[15] Archéologue, Responsable scientifique aux musée et site de Saint-Romain-en-Gal.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laura Barataud (2 juin 2025). Reliefs – Saisons romaines (hors-série). Actualités des études anciennes. Consulté le 21 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/141dc


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