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#5 – La domus de Vesone : luxe, calme et volupté

Au cœur de la domus se cache un jardin [Aquarelle]. © E. Saliège

Au détour d’un méandre de rivière, Vesunna, capitale de cité des Petrucores, s’étend sur les terres d’une large vallée agricole comme un jardin urbain ceinturé de collines boisées. La ville est dotée de tous les atours dus à son rang. Au cœur de la flaque urbaine, le centre civique formé par un sanctuaire, dédié à la déesse aquatique dont elle porte le nom, est flanqué d’un vaste forum à basilique prolongé d’un temple du culte impérial. Au nord, un amphithéâtre massif s’élève et surplombe le paysage urbain de part et d’autre de deux carrières. Au sud-est, un aqueduc complète la parure monumentale de la ville. Il fournit la ville en eau de source et alimente plusieurs thermes publics. Le tracé urbain géométrique dessine un ensemble d’ilots dont les limites suivent le plus souvent les points cardinaux. Parmi les habitations connues, la domus de Vesone constitue une des pièces les mieux connues par l’ampleur de ses vestiges et la richesse de ses décors peints.

Dans la rue, les ombres s’allongent… [Aquarelle]. © E. Saliège

Edifiée autour d’un grand jardin paysager avec bassin et colonnades, l’habitation ne laisse, depuis la rue, rien voir de la qualité de ses espaces bâtis comme de la richesse de son paysage intérieur. Au soleil couchant, longeant la rue décumane le long du mur d’enceinte du péribole du temple de Vesunna, les ombres s’allongent, striant le paysage jusqu’au sol. Dans la pénombre estivale, la janua à pilastres de la domus surmontée d’un fronton adopte une forme singulière. Sur le seuil, un long couloir sombre et frais laisse entrevoir un point de lumière. Les salles ombragées s’enchainent vers l’unique ouverture offrant un point de jour. Là, un vaste péristyle ceinture un jardin d’agrément aux couleurs flamboyantes, baignées de lumière.

Depuis l’espace public, un seul itinéraire amène à l’espace du jardin. Le visiteur y est guidé, entre ombre et lumière, et découvre la domus par étapes. L’itinéraire est savamment conçu en fonction de la course du soleil comme de la répartition des espaces bâtis, pour « donner à voir » au fil du parcours de découverte : sans jamais accéder directement à un espace mais en tournant autour, en l’appréciant pour sa valeur et ses qualités, pour l’éveil des sens et la volupté des lieux avant de pouvoir y entrer.

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L’agencement des murs et des ouvertures, le quadriportique et ses peintures, les vides et les volumétries (les volumes agencés sous la lumière), les proportions des éléments bâtis, l’espace du jardin et les perspectives, sont ordonnancés pour constituer un ensemble architectural et paysager exceptionnel. Le portique formant le péristyle est doté d’un décor d’imitation de marbre à veines vertes et roses sur fond blanc, rythmé en zone médiane par une composition d’imitations de plaques moulurées animée par des pilastres corinthiens. La colonnade est ornée de guirlandes et d’oscilla  (décor de jardin qui était suspendu, le plus souvent entre les colonnes du péristyle dans les contextes domestiques) qui se balancent au gré d’une petite brise. Ce dispositif assemblé sous la lumière et associant peintures, couleurs et colonnade tend à scander un peu plus le rythme du portique. L’effet rendu donne l’impression d’une profondeur accrue de l’espace du jardin et de ses limites. Les ombres portées des colonnes se mêlent à la composition des peintures dont le fond blanc réfléchit la lumière du jour.

Ceint par les colonnes blanches, un bassin… [Aquarelle]. © E. Saliège

Au centre du jardin, un massif rectangulaire encadre un bassin circulaire. Peint sur le parapet, une faune marine de poissons, mollusques, coquillages et crustacés se développe sur un fond rouge. En pied de mur, la fresque aux poissons laisse entrevoir une bande peinte en vert qui se mêle aux plantes couvre-sol, comme une image de fond marin prolongeant la peinture dans l’espace même du jardin. Dans un angle, quelques marches permettent au jardinier d’entretenir les plantes choisies avec soin : selon leur nature, leur couleur et leur rythme de floraison. Disposée au centre du bassin, une vasque pourvue d’un petit jet d’eau en son milieu complète cet ensemble associant l’aquatique et le végétal.

© E. Saliège

En contrebas, arbres fruitiers, haies et parterres de fleurs alternent avec plusieurs plants de vigne sur échalas de bois. Les herbes aromatiques et médicinales en pots horticoles embaument l’air et jalonnent le cheminement de terre battue longeant le massif rectangulaire. Les plantations de végétaux à feuilles persistantes et la grande variété de fleurs instaurent une ambiance particulière de tranquillité qui invite au délassement et à la méditation. Les variations des floraisons, la caducité ou la persistance des espèces choisies ainsi que leur disposition dans l’espace du jardin semblent ici suivre une logique toute particulière, tendant à assurer un couvert végétal du jardin harmonieux et calqué sur le rythme des saisons. Les murs stylobates délimitant l’espace bas du jardin prolongent cet effet de verdure par leurs peintures murales : sur plus de quatre pieds de hauteur, elles sont ornées de guirlandes avec vasques à jet d’eau et statues en forme d’hermès.

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L’ensemble paysager reçoit la lumière tout au long du jour offrant un tableau changeant au rythme des heures comme des saisons. Disposée au milieu de l’aile sud du péristyle, la pièce d’apparat interrompt le linéaire du portique et s’ouvre sur le jardin. Cette salle majeure de la domus bénéficie d’un aménagement particulier aux réceptions et aux honneurs : pièce axiale voûtée en berceau et surmontée d’un fronton qui dépasse dans toute sa hauteur les autres pièces. Elle est flanquée de deux petites salles de service et se prolonge vers le nord par un porche et un escalier double donnant accès au jardin. De riches tapis recouvrent son sol. L’ensemble des parois y sont agrémentées de fines peintures ouvragées. Depuis cette pièce, le spectateur surplombe l’ensemble paysager, offrant à son regard une vue remarquable sur le tableau végétal du jardin

Étienne Saliège

Architecte et paysagiste DPLG, urbaniste, Master en Sciences de l’Antiquité et archéologie


 

Bibliographie

  • Barbet A. avec la collaboration de Girardy-Caillat C. (fouilles), Bost J.-P., 2003. Peintures de Périgueux. Édifice de la rue des Bouquets ou la Domus de Vésone, dans Aquitania, 19, 2003, p. 81-126, fig.
  • Barbet A., Bujard S., Dagand P., Lefèvre J.-F., Maleyre I., en collaboration avec Amadei B., Lemoigne L., 2005. Peintures de Périgueux. Edifice de la rue des Bouquets ou la Domus de Vésone, III – Les peintures jadis en place et les peintures fragmentaires, dans Aquitania, 21, 2005, p. 189-239, fig.
  • Barbet A., Bujard S., Dagand P., Lefèvre J.-F, Lemoigne L., Maleyre I., 2008. Peintures de Périgueux. Édifice de la rue des Bouquets ou de la Domus de Vésone, IV, dans Aquitania, 24, 2008, p. 41-76, fig.
  • Barrière C., Girardy-Caillat C., Sarradet M., Tobie A. et J.-L.,  1995. La domus des Bouquets, Architecture et vie privée. La domus des Bouquets futur musée gallo-romain, catalogue d’exposition, Périgueux, Musée du Périgord, 1995, p. 39-45.
  • Girardy-Caillat C., 1998. Périgueux antique, Dordogne. Guides archéologiques de la France, n° 35, Paris, Imprimerie nationale, 1998, 96 p.
  • Girardy-Caillat C., 2000. « L’époque gallo-romaine » dans : Lachaise (dir), Histoire du Périgord, Editions Fanlac, Périgueux, 2000, 318 p., ill ; p. 71-105.
  • Girardy-Caillat C., Tobie A ; et J.-L.,  1995. La place de la domus dans l’urbanisme de Vésone, Architecture et vie privée. La domus des Bouquets futur musée gallo-romain, catalogue d’exposition, Périgueux, Musée du Périgord, 1995, p. 47-49.
  • Girardy-Caillat C., Saliege E., 2013. Carte archéologique de la Gaule 24/2 – Périgueux, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, ISBN : 9782677543019
La domus de Vesone © E. Saliège

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Etienne Saliège (6 août 2025). #5 – La domus de Vesone : luxe, calme et volupté. Actualités des études anciennes. Consulté le 17 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14gmf


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