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Les Arêtes de poisson. Une énigme souterraine

ANNEQUIN (S.), MIGNET (M.), Les Arêtes de poisson. Une énigme souterraine, Genève/Paris : Éditions Paquet, 2025 – 136 p. – ISBN : 978-2-88932-378-4


Première de couverture © Éditions Paquet

Le mystère de Lugdunum !

Serge Annequin, dessinateur, et le scénariste Michael Mignet se sont associés pour créer cette bande dessinée « historique ». Longue collaboration pour donner forme à cet ouvrage, qui permet à la fois une bonne vulgarisation scientifique et l’approche d’un mystère non totalement résolu. En effet, sous la colline de la Croix-Rousse à Lyon, des souterrains, surnommés « les arêtes de poisson », longtemps oubliés, ont de nouveau été mis au jour et sont maintenant étudiés d’ample façon.

Il convient d’entrer dans ces pages comme dans une aventure enquêtrice. D’abord, celle de certains cataphiles, curieux et désireux de faire protéger cet endroit, puis celle des archéologues et chercheurs, avides de réponses à leurs interrogations.

XXe siècle : à plusieurs reprises, dans les années 1930 puis 1960, des effondrements d’immeubles, des affaissements de la chaussée et des infiltrations d’eau dans des caves avaient mis en évidence des anomalies souterraines : galeries, puits, salles voûtées. Au fur et à mesure du temps, c’est un immense réseau qui est appréhendé sous la Croix-Rousse. Mais le principal souci des instances politiques de Lyon était alors la sécurité de la population et des habitations, plutôt qu’une approche patrimoniale et historique.

Les « arêtes » tombèrent peu à peu dans l’oubli après 1968, mais des cataphiles jeunes aventuriers, titillés par l’ouvrage de Jean-Christian Barbier Voyage au centre de Lyon (1981), s’y intéressèrent avec passion, pour certains sans respecter le site, pour d’autres avec le souci de le faire protéger et étudier officiellement, sans grands succès jusqu’en 2007. 

Serge Annequin fut l’un de ces clandestins que l’endroit fascina. Voici ce qu’il a dit lors d’une interview :

C’est une visite clandestine que j’ai faite, il y a à peu près 35 ans. Je ne sais même pas si l’accès était autorisé. On était dans cette zone un peu grise, fin 1980 début 1990, et un copain m’y a emmené un peu par hasard, en sortie de soirée. On est descendu dans le réseau et ça a été une grande claque pour moi. J’ai eu la sensation d’une ville souterraine, d’un Lyon bis qui serait caché sous nos pieds. Ça m’a questionné et j’ai eu envie de raconter ça en bande dessinée.

Au fil des pages, la lecture nous prend au jeu de l’exploration, au côté de toutes celles et de tous ceux qui se sont emparé.es de cette énigme des « arêtes de poisson ». Cette recension se doit de ne pas dévoiler toutes les péripéties des recherches pour garder le suspens. À grands traits, l’aventure put se poursuivre de façon scientifique, avec les fouilles archéologiques de l’INRAP en 2008. Différentes hypothèses se sont succédé dont la très populaire – quoique également controversée – hypothèse templière de Walid Nazim, développée dans L’Énigme des Arêtes de poisson (2011).

Pratiquement aucune archive ne permet d’en savoir plus sur ce site. L’ouvrage de François Artaud, Lyon souterrain ou Observations archéologiques et géologiques faites dans cette ville depuis 1794 à 1836, publié en 1846, donne quelques indications, néanmoins imprécises. C’est finalement le carbone 14 qui révèlera une datation de l’Antiquité romaine (plus précisément dès la fondation Lugdunum en 43 avant J.-C.), confortée par certains indices : demi-couronne de laurier trouvée en 1961, probablement liée au culte impérial, squelette d’un soldat romain mort en 197 sous Septime Sévère, construction maçonnée très soignée des murs et voûtes, graffiti de Bituius Vrasari Filius.

Toutefois, il reste des points obscurs : quid du charnier découvert en 1959, mais non retrouvé à ce jour ? Pourquoi cette configuration des galeries et des salles ? Quelle était la fonction de ce réseau souterrain ? Un lieu de stockage ? Quid de l’intégration ou non au Grand sanctuaire des Trois Gaules ? Quel lien ou non avec les Sarrasinières, s’agissait-il d’un conduit souterrain reliant Lyon à Miribel ?  Et les 200 graffitis relevés sont encore en cours d’étude. Les recherches se poursuivent donc au sein du Service archéologique de la Ville de Lyon, sous la direction de Cyrille Ducourthial (Projet Collectif de Recherche de 2020.)

Extrait (planche) © Éditions Paquet

Cette bande dessinée accroche par un récit haletant, stimulant, que celles et ceux qui ont la passion de l’histoire apprécieront. Elle présente des données fiables sur l’état de la recherche, les différentes hypothèses émises, aussi bien celles fantaisistes que celles retenues scientifiquement, les « secrets » et inconnues qui subsistent comme ces traces de doigts d’enfant… Le plan des « arêtes » est appréciable. L’ouvrage ne cache pas les difficultés politiques et financières des études, de la conservation et mise en valeur du patrimoine. Certes, un ouvrage de vulgarisation passe sous silence bien des résultats de la recherche, ce qui est compensé en partie par les mentions d’articles dans la revue Archéologia. Soulignons aussi l’ambiguïté de mettre en avant l’action bénéfique de quelques visiteurs clandestins du site alors que d’autres l’ont dégradé.      

Le graphisme est un peu sombre, mais l’œil s’y habitue et correspond assez bien à « l’ambiance souterraine » du mystère, bien qu’il soit assez morose de montrer systématiquement Lyon sous la pluie ou un ciel gris pour les scènes extérieures. Les différentes couleurs utilisées pour les personnages mis en scène apportent toutefois du contraste. En revanche, le dessin de la couverture est trompeur : il évoque plutôt des catacombes avec ces squelettes posés sur un banc de pierre, et ne rend pas compte de l’immensité du réseau des « arêtes de poisson ».

En fin d’ouvrage on trouvera une brève bibliographie et mentions de divers sites Internet, qui omet pourtant celui qui permet les visites virtuelles : https://aretesdepoisson.lyon.fr/     

Dommage !

« Les Arêtes de poisson ont-elles révélé tous leurs secrets ? » Laissez-vous embarquer par cette question de l’alléchante quatrième de couverture.                                                                                   

                                                                                                                                    Geneviève Beney

 

 


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Geneviève Beney (29 septembre 2025). Les Arêtes de poisson. Une énigme souterraine. Actualités des études anciennes. Consulté le 13 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14rp4


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